sos débat



Le mariage dit pour tous sème la division. Dans la société française, dans nos communautés chrétiennes aussi. Pourquoi ?

Peut-être le débat n’est-il pas politique, mais pré-politique...[1] Il touche à l’intime, à l’identité sexuée, à la filiation, au vivre ensemble. Derrière les arguments échangés se cachent des dogmes, des axiomes qui ne sont pas démontrables rationnellement mais structurent pourtant toute notre pensée. L’égalité est un tel dogme, défiant les évidentes inégalités de force, de beauté, d’intelligence et de capacités en tout genre [2]. Les structures de parenté et de filiation en sont un autre. Tous deux sont chers à nos cœurs.

Car au fond ce sont nos cœurs qui parlent. Ainsi des personnes viscéralement à gauche – et pas des caïmans – avouent en fin de soirée, presque honteusement : « Le mariage gay, je devrais être pour. Les droits des homos, c’est important… Mais je n’y arrive pas. J’ai l’impression que tout fout le camp. »

Pour que chacun puisse s’écouter et grandir, il aurait fallu mobiliser des «institution du consensus» [3] permettant de dégager un intérêt général partagé (commission indépendante, comité d’éthique, états généraux participatifs, etc.). Et non l’ «institution du conflit» qu’est le Parlement. Les députés PS, PRG et EELV semblent hélas n’avoir cure de ces «institutions du consensus» (voir également leur passage en force pour modifier la loi résultant des états généraux de la bioéthique). Ils semblent vouloir émanciper la société contre son gré, depuis leur position de surplomb – celle de ceux qui savent déjà tout sur tout. Pas besoin d’écouter ceux qui pensent différemment, ce ne sont que des conservateurs, des fascistes peut-être. Pourquoi donc rechercher le consensus et l’intérêt général ? Seul compte l’avis du plus fort politiquement («c’est le point de vue marxiste de la loi », revendique le sénateur Jean-Pierre Michel, rapporteur du projet de loi). L’adversaire, ce réactionnaire ne peut pas être écouté ; il doit être combattu. Quitte à fragiliser la volonté de vivre ensemble dans un monde commun, la reconnaissance de valeurs partagées qui permettent aux conflits de ne pas monter aux extrêmes de la guerre civile [3].


La majorité présidentielle a choisi la voie du conflit et de la force – politique, médiatique, policière. Les catholiques peuvent faire mieux, et même le doivent [4] ! En ce temps de Pâques, puissions-nous nous accueillir les uns les autres avec nos convictions différentes. Nos évêques ont attiré notre attention sur un projet de loi qu’ils jugeaient mauvais, nous expliquant leurs motivations chacun avec sa sensibilité propre, nous incitant à réfléchir, à nous positionner. Ils ne nous ont pas demandé de leur obéir. Ils n’ont pas déclaré que ceux qui pensaient différemment pensaient mal, et heureusement ! Chaque catholique pratiquant a sans doute maintenant choisi son camp, dans ce conflit imposé. En conscience. Et chacun a bougé je crois dans cet épisode. Pour reconnaître le désir homosexuel comme une réalité ; et qui n’est pas en soi mauvaise. Reconnaître l’engagement fidèle entre deux personnes de même sexe comme plus humanisant que des aventures sans lendemain. Reconnaître que la place dans l’Eglise de ceux qui font ce choix pose question. Mais reconnaître aussi que la filiation et l’identité sexuelle touchent les fondements de notre vivre ensemble. Reconnaître que si tout est scientifiquement possible, tout n’est pas nécessairement bon et profitable. Reconnaître que dans le techno-monde qui vient, la procréation sera chamboulée si nous n’en prenons soin. Aujourd’hui, l’heure n’est plus je crois au débat, tout a déjà été dit. Que chacun agisse selon sa conscience, que chacun respecte celle d’autrui.

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[1] Même si beaucoup ont intérêt à le politiser. La gauche pour remobiliser ses troupes déroutées par la politique économique - et maintenant les turpitudes de certains de ses dirigeants - autour d’un ennemi commun : les «homophobes». La droite pour faire oublier ses luttes de pouvoir fratricides et gagner les déçus du hollandisme. L’extrême droite catholique, dont la capacité de mobilisation ne dépasse guère les 30 000 personnes, pour en rallier 1 370 000 autres à ses rêves de grand soir...
[2] cf Alain Supiot, « L’internationalisation du droit : dégradation ou recomposition ? », Esprit, Novembre 2012.
[3] cf Pierre Rosanvallon, « La légitimité démocratique. Impartialité, réflexivité, proximité », éditions du Seuil, Paris, 2008.
[4] Après tout, n’ont-ils pas vocation à être en Eglise, dans le Christ, en quelque sorte le signe et le moyen de l’unité de tout le genre humain ?

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